L’affirmation des totalitarismes et la guerre

Ce que l'on appelle un régime totalitaire est un système politique qui cherche à contrôler la totalité des activités de la société, y compris la pensée des individus dans la sphère privée. Les idéologies en URSS, en Italie et en Allemagne, dans l'entre-deux-guerres, ont chacune leurs spécificités, mais ont ce trait commun qui est la négation de la liberté de l'individu. Le mot totalitarisme vient de l'italien totalitaria, créé en 1924, quelques années à peine après la fin de la Première Guerre mondiale.

Notre sujet présuppose que l'affirmation des régimes totalitaires est la cause première de la guerre. Or, leur émergence et donc leur affirmation postérieure ne vient pas de nulle part.

Il nous faut ainsi, en premier lieu, analyser les étapes de leur mise en place, et l'affirmation de leurs politiques étrangères, de façon à bien évaluer l'importance de chaque facteur de la Seconde Guerre mondiale. On fera ainsi, le compte des facteurs de la guerre. On verra enfin, et brièvement, quelle est la chronologie de la Seconde Guerre mondiale.

#1. Affirmation des régimes totalitaires : naissance, comparaison idéologique et mécanismes

#A. La naissance des régimes totalitaires

#a) La mise en place du totalitarisme en Italie

La monarchie italienne sort affaiblie de la Première Guerre mondiale. Benito Mussolini parvient à rassembler autour de lui les mécontents, de tous bords politiques. Il fonde, en mars 1919, le parti fasciste. Le mot fascisme dérive de fasces en latin, paquet de faisceaux, bâtons qui maintiennent une hache, une arme antique qui devient le symbole du fascisme. Leur programme est violent, il se présente progressivement comme un rempart contre le communisme et le désordre.

Durant le mois d'octobre 1922, les fascistes préparent une marche sur Rome destinée à la prise du pouvoir. Le 28 octobre, ils se présentent devant la capitale. Mussolini est nommé Président du Conseil le 30 octobre 1922. Mussolini met graduellement en place le totalitarisme fasciste. Les syndicats sont étroitement contrôlés, la presse censurée et le parti fasciste devient un parti unique. La loi du 24 décembre 1925, donne à Mussolini la totalité du pouvoir exécutif. Il n'est responsable que devant le roi qui n'a plus qu'un droit de regard théorique sur les affaires.

En novembre 1926, les lois « fascistissimes » instaurent définitivement la dictature : création du délit d'opinion, dissolution définitive des autres partis politiques, suppression de journaux d'opposition. L'OVRA, police politique, arrête les opposants politiques, en particulier les communistes. Les opposants au fascisme sont contraints au silence ou à l'exil.

#b) La mise en place du totalitarisme en URSS

La révolution de 1917 aboutit à l'élimination de toute tendance non bolchevique. La propriété des terres passe aux Soviets paysans, et le contrôle des usines passe aux Soviets ouvriers. Lénine met en place une dictature : la nouvelle police politique, la Tcheka, arrête et peut exécuter sans jugement tout opposant présumé ; les premiers camps de travail sont ouverts. Au début de 1921, les bolcheviks sont maîtres de la Russie, mais le pays est épuisé et la famine fait rage.

L’URSS est fondée en 1922, tandis que le pouvoir est de plus en plus centralisé et autoritaire au nom de la « dictature du prolétariat », étape qui doit mener à une société égalitaire, société sans classe selon la pensée de Karl Marx.

Lénine meurt en 1924. Trotski et Staline se disputent sa succession. Staline, en fin stratège, parvient à faire exiler Trotski, qu’il fait assassiner en 1940. En 1929, Staline dispose de tous les pouvoirs. Le Parti communiste et le Komintern (bureaux de l’Internationale communiste) entendent faire advenir une « révolution mondiale ». Staline voit dans la grande dépression qui suit la crise de 1929, la fin proche d’un système capitaliste décadent. Les discours de Staline pointent du doigt les puissances capitalistes et anti-communistes qui pourraient, selon lui, encercler l'URSS.

L’URSS de Staline parvient à une industrialisation et une collectivisation rapides.

#c) La mise en place du totalitarisme en Allemagne

À la fin de la Première Guerre mondiale, la République de Weimar est instituée. L'empereur abdique et s'exile. Le gouvernement de la République de Weimar est contraint de signer le Traité de Versailles, dont les termes sont perçus par une partie de la population comme humiliants, en particulier par le parti nazi (NSDAP, de Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei).

La nouvelle République, dominée par les socialistes, subit une violence politique de tous bords. Le parti nazi, dans son programme, trouve des boucs émissaires à la situation de l'Allemagne : les Alliés, le gouvernement socialiste de la République de Weimar, le Traité de Versailles et les Juifs. En 1923, l’Allemagne se retrouve dans une situation de faillite économique : elle ne peut plus payer les réparations de guerre. L’impression massive de monnaie entraîne une hyperinflation. Dans ce contexte, Hitler, qui a pris la tête du NSDAP, pensant obtenir l’appui de l’armée, tente un putsch à Munich, mais il échoue, et se promet de prendre le pouvoir par les voies légales.

C'est la crise de 1929 qui entraîne le succès des Nazis aux législatives de 1932. Plus de 35 % des sièges du Reichstag, l'Assemblée allemande, sont occupés par des Nazis, et logiquement leur chef doit être nommé Chancelier. Mais le Président Hindenburg refuse cependant de nommer directement Hitler. Il convient avec Von Papen de partager la Chancellerie. Hitler et Von Papen sont donc nommés tous deux Vice-Chanceliers en janvier 1933. À partir de ce moment, Hitler prend toutes les mesures pour consolider son pouvoir. En 18 mois, il passe de Vice-Chancelier à Führer.

En février 1933, un incendie se déclare au Reichstag. Hitler l'attribue aux communistes, ce qui lui permet de faire signer un décret qui interdit le communisme. Les opposants politiques sont ainsi progressivement évincés de la vie politique. En mars 1933, il obtient des pouvoirs étendus et n’est plus tenu de rendre de comptes devant les députés du Reichstag. Le pouvoir dictatorial se met en place et se consolide. En avril 1933, il charge Göring de créer la Gestapo (Geheime Staatspolitzei), police politique dépendant des SS (aussi écrit ᛋᛋ, Schutzstaffel, qui signifie escadron de protection), qui doit traquer les opposants politiques.

Les membres des SA (Sturmabteilung) sont de plus en plus nombreux et pourraient faire de l’ombre à Hitler. C’est le cas de Röhm, dont Hitler se méfie des idées, de la popularité et de son charisme, en dépit de leur amitié et de la loyauté de Röhm. Hitler charge les SS d’éliminer Röhm et tous les SA le 30 juin 1934, durant ce que l’on nomme la « nuit des longs couteaux ».

En août 1934, Hindenburg meurt, Hitler prend la présidence et devient donc chef des armées. Il est le Führer. De janvier 1933 à août 1934, Hitler est ainsi parvenu à un pouvoir sans limite. La terreur nazie règne en Allemagne. C’est la fin de la République de Weimar. L’agressivité de la politique étrangère de Hitler ne va faire que s’intensifier jusqu’à la guerre.

#B. Comparaison des totalitarismes sur le plan idéologique

#a) La volonté de créer un monde nouveau, point commun des idéologies totalitaires

Dans les trois régimes totalitaires, pour créer un monde nouveau, il faut d'abord créer une nouvelle société. Dans cette nouvelle société, l'individu est nié, et ses libertés sont supprimées.

Les trois régimes entendent refonder une communauté :

  • Dans le projet soviétique, la nouvelle société est parfaitement égalitaire et sans classes.
  • Pour le projet fasciste, l’État et sa force restaurée comptent davantage que les individualités et les intérêts particuliers.
  • Pour le nazisme, la race dominante, aryenne, est la véritable communauté purifiée et unifiée pour laquelle l’individu doit même vouloir se sacrifier (cette communauté est nommée Volksgemeinschaft).

Les idéologies entendent aussi créer ou faire renaître « l'homme nouveau » :

  • Chez les Soviétiques, un « homme nouveau », libéré de la lutte des classes, doit advenir. Ce nouvel homme ne soucie plus que du bien commun.
  • Pour les fascistes, l’homme sort de la décadence grâce à la force de l’État. L'État le ramène à l’ordre moral. Cet homme est athlétique, admiratif de la splendeur de son Empire et de la force de sa communauté, à laquelle il voue sa vertu militaire.
  • Pour les nazis, l’obsession se situe dans la pureté de la race aryenne. « L’homme nouveau » se débarrasse des parasites. C’est un guerrier qui conquiert son espace vital (Lebensraum). Sa domination sur les autres races est idéologiquement légitime.

Dans les trois idéologies, le rôle de l'État est central.

#b) Contrastes idéologiques

Chaque idéologie a cependant des spécificités. Elles présentent aussi des antagonismes.

Pour les Soviétiques, l'idéologie dérive du marxisme et prône une société sans classe. Dans ce contexte, la religion est considérée comme « l'opium du peuple ». C'est par le contrôle de l’économie que l’on transforme l’homme. L'abolition de la propriété privée est aussi une spécificité de l'idéologie soviétique, ainsi qu'un expansionnisme modéré.

Pour les fascistes, au contraire, l'esprit de conquête est valorisé, car il s'agit de recréer l'Empire Romain, sur tout le pourtour de la Méditerranée. La conquête et le retour à l'ordre légitiment la violence, violence permanente dans les actes et dans la rhétorique. La religion d'État est le catholicisme. Enfin, l'idéologie fasciste n'est pas, à l'origine, antisémite, contrairement au nazisme. La politique antisémite de Mussolini résulte davantage d'un alignement avec les vues de l'Allemagne nazie.

Pour les Nazis, comme on l'a mentionné, il s'agit de purifier la race et conquérir un espace vital. Cela légitime l'eugénisme et la multiplication des annexions de territoires. Ainsi, la persécution des Juifs, les pogroms et la politique de conquête sont au cœur de l'idéologie. La persécution se transforme ensuite en extermination systématique des Juifs.

#C. Mécanismes du pouvoir totalitaire

#a) Culte du chef et parti unique

Un culte du chef est institué dans chaque régime totalitaire. Le leader a un nom qui le glorifie, voire le déifie. En URSS, Staline est nommé le « Vojd ». En Allemagne, Hitler est nommé le « Führer ». En Italie, Mussolini est nommé le « Duce ».

Le chef politique a toujours raison, c'est le héros qui sauve le pays. Il est ainsi nécessaire de suivre sa vision. Les artistes et les journaux relaient cette image. La propagande est intense. La critique du chef est punie. Ainsi, le « Heil Hitler » est obligatoire dans toute salutation, y compris dans la correspondance. Le culte du chef structure les comportements et les mentalités.

Il ne peut y avoir qu'un seul parti. Le débat contradictoire n'existe pas. Ainsi, l'État, c'est le parti. Dans ce contexte, le leader accorde des promotions aux membres du parti. En Allemagne, il n’est pas nécessaire d’être membre cependant, mais sa domination n’est pas contestable. La critique du parti est punie comme la critique du chef.

#b) Dirigisme et contrôle de la population

En URSS, l’économie est dirigée par le parti qui impose des plans quinquennaux. En Allemagne et en Italie, l’économie est également dirigée. En Allemagne, le but est d’arriver à l’autarcie. Ainsi, de grands travaux sont engagés en Allemagne, par exemple les autobahns, autoroutes en Allemagne.

La population est endoctrinée, et en premier lieu, la jeunesse. Non seulement les programmes scolaires sont réécrits pour que l'idéologie soit intégrée au plus jeune âge, mais les jeunesses sont aussi encadrées et embrigadées :

Allemagne URSS Italie
Jeunesse Hitlériennes Komsomols Fils de la Louve

Les bibliothèques sont vidées. Les livres dits impurs sont brûlés et l'Histoire est réécrite. Les loisirs et la culture sont aussi encadrés. La propagande est intense. En Allemagne, elle est dirigée par Goebbels ; en URSS, par Jdanov.

Dans les entreprises, les travailleurs sont encadrés. Les syndicats sont interdits ou alors dépendent du parti unique. La vie des travailleurs en dehors du travail fait l'objet de programmes spécifiques : en Italie, c'est le Dopolavoro (« Après le travail ») ; en Allemagne, « La force par la joie ». Les industriels bénéficient financièrement des régimes nazis et fascistes : ils signent des contrats avec l'État.

Les artistes doivent se mettre au service du régime.

#c) Répression, déportations, exécutions

La terreur s’insinue dans les mentalités et dans les corps. L’expression est d’emblée muselée, l'autocensure est fréquente en raison des risques d'arrestation. En effet, la répression des opposants est systématique. On peut citer le cas des étudiants en Allemagne, notamment Sophie Scholl et le groupe de « La rose blanche » exécutés en public pour avoir distribué des tracts politiques, de même que les Pirates Edelweiss, pendus en public pour leur anticonformisme.

Les polices politiques se livrent à une intimidation permanente En 1936, Staline instaure des grandes purges pour mettre au pas la société. C’est la « Grande Terreur ». Il n’hésite pas à se débarrasser de ses meilleurs généraux et même de membres de sa propre famille, prétendant donner l’exemple. En 1944, Hitler fait exécuter 5 000 officiers de l’armée allemande suite à l’explosion qui visait à le tuer, oragnisée par Stauffenberg.

La déportation et l’exécution sont les punitions ultimes, dans les goulags, les mines de sel (îles Lipari, pour l’Italie) ou camps de concentration. Le système concentrationnaire est un des aspects communs des régimes totalitaires. Il s’agit pour ces régimes d’étouffer la contestation avant même l’idée de son expression, par la terreur.

#2. La Seconde Guerre mondiale

#A.